jeudi 28 décembre 2023

Mercredi 17 Janvier 2024 - Causerie Populaire "Quelle économie pour quelle écologie?" autour de l'ouvrage "Ralentir ou périr, l'économie de la décroissance" de Timothée Parrique

 

Le Mercredi 17 janvier à 20h30 au local La Commune aura lieu une nouvelle causerie populaire autour du livre de Timothée Parrique « Ralentir ou Périr, l’économie de la décroissance »

Ouvrage paru en Septembre 2022 au Seuil, il se propose d’être un traité de vulgarisation d’économie. Il vise à replacer l’économie au centre des choix politiques, cela dans un contexte :

- d’explosion des inégalités _alors que jamais autant de richesses n’auront été produites

- de ressources naturelles finies

- et de limites planétaires dépassées

 


Chercheur en économie écologique à l’Université de Lund en Suède, Timothée Parrique donne des clefs pour un changement de paradigme social, environnemental et politique, cadre dans lequel l’économie serait au service de l’humain et du vivant.

Après la présentation des idées du livre mais aussi de leurs limites dans le cadre d’une critique révolutionnaire, un débat aura lieu entre tous les participants

 

Nous tâcherons donc, au-delà du livre de Timothée Parrique, et dans le cadre de la causerie d’élargir le débat sur la question "Quelle économie pour quelle écologie?"

La causerie sera animée par 2 militants du groupe la sociale de la Fédération Anarchiste

Au plaisir de t'y voir et de t'y entendre ! 

//// Ci-dessous les vidéos de la causerie (présentation de l'ouvrage + débat) :
https://youtu.be/zqvXuwxf2Qw?si=I90s0g1Inkz_oClJ & https://youtu.be/p0eUsSnfb_Y?si=xLUkrZbT48IYYI-K

 
ET ci-dessous le texte de présentation de l'ouvrage ainsi que les interventions exhaustives écrites du 2° intervenant.

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Timothée Parrique « Ralentir ou périr, l’économie de la décroissance » -Seuil 2022

A l’appui de la causerie populaire « quelle économie pour quelle écologie ? »

 

Chercheur en économie écologique à l’université de Lund en suède, Timothée Parrique adresse ici un traité d’économie qui se veut accessible à tous.

Il déconstruit l’idée selon laquelle l’économie serait une matière complexe ou technique qui ne serait compréhensible que par une certaine catégorie d’experts. En particulier, il amène, de façon assez distanciée et sans jamais l’évoquer directement l’idée selon laquelle la matière économique et donc ses implications sociales, sont éminemment politiques.

Ce faisant, il ramène du contenu réflexif à ce qu’est la politique: la façon de penser la gestion de la vie en commun ; et aussi comment construire nos rapports sociaux. Si les êtres humains sont effectivement au centre de sa réflexion en tant qu’acteurs économiques, l’auteur met un point d’honneur à intégrer l’ensemble de l’écosystème, qui comprend donc le vivant dans sa totalité (animal/végétal), mais aussi la totalité des ressources disponibles. Et il ne le fait pas exclusivement pour des raisons économiquement intéressées. En postulant qu’on ne peut dissocier les activités de production et de consommation d’un rapport au bien-être des êtres vivants dans leur environnement global, Timothée Parrique peut sembler enfoncer des portes ouvertes. Et pourtant, son propos, même s’il ne se veut pas révolutionnaire, a le mérite de réinjecter un peu d’utopie dans un monde qui est guidé par le cynisme de la satisfaction des besoins immédiats.

Mais essentiellement la préoccupation majeure de T. Parrique est, comme l’indique le titre de l’ouvrage, d’expliquer en quoi il est vital de lier l’économie au vivant, et que seule une économie de la décroissance est compatible avec une vision de perpétuation du vivant et de l’espèce humaine telle qu’on les connait aujourd’hui sur cette planète, puisque nous voilà dans l’ère de l’anthropocène selon certains, capitalocène selon d’autres.

Regardons un peu maintenant ce que l’auteur nous apprend : De façon linéaire, chapitre par chapitre.

En chapitre d’introduction, intitulé « L’économie, une question de vie ou de mort »,

Parrique nous dit que 10% des + riches possèdent 76% du patrimoine global de la planète et sont responsables de la moitié des émissions totales de gaz à effet de serre. La notion d’anthropocène masque en réalité d’énormes disparités : ceux qui polluent le plus sont aussi ceux qui risquent le moins des conséquences du réchauffement climatique. Cette situation est donc le résultat d’une organisation sociale, pour Parrique, la cause des problèmes environnementaux c’est le capitalisme et son corollaire, la poursuite effrénée de la croissance. La violence sociale et environnementale exercée est due à notre condition d’otages d’un système qui prédétermine en grand partie des comportements qu’une autre société qualifierait d’immoraux. Parrique balaye d’emblée l’idée que c’est l’économie, en soi, qui pose problème, puisque toute société a de tout temps organisé d’une façon ou d’une autre ses activités productives. Le problème sont les objectifs fixés à une économie. De nos jours la croissance illimitée.

Il faut donc selon lui sortir de la croyance quasi religieuse en la croissance et en toutes les formes de croissance et il est essentiel de ralentir l’activité économique. L’auteur imagine la décroissance comme une transition vers la post-croissance, une société dans laquelle l’économie ne joue plus qu’un rôle secondaire plutôt que central.

Parrique définit la décroissance comme une « réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être ». Il voit la décroissance comme un état transitoire amenant à la post-croissance « une économie stationnaire en harmonie avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance » 

L’humanité est donc confrontée à un triple défi : il lui faut

§  Comprendre en quoi le modèle de la croissance économique est une impasse,

§  Dessiner les contours d’une économie post-croissance

§  Et concevoir la décroissance, donc le chemin de transition de l’un à l’autre

La survie de l’humanité dépend désormais de notre capacité ou non à changer le modèle économique.

 

I.                     « La vie secrète du PIB, Entre phénomène et idéologie »

Au 1° chapitre, Parrique nous explique ce qu’est le PIB et comment cet indicateur est devenu, par incompréhension voire presque par erreur, un indicateur des richesses produites, et par extension, dans les 30 glorieuses (qui ne l’étaient d’ailleurs pas pour tout le monde), un indicateur du progrès social.

La croissance se définit par une augmentation du PIB, donc un élément quantifiable de production marchandes. Ne rentre pas dans le PIB par exemple les services écosystémiques, l’entraide ou le bénévolat. Donc si l’économie est l’organisation sociale de la satisfaction des besoins, alors elle ne se mesure pas en euros, mais en quantité de matières utilisées, en énergie et en heure de travail.

On le voit, l’économie devrait être un moyen et non une fin, mais aussi l’organisation collective du consentement du partage de la valeur. Il en découle que si l’économie ne sert pas les intérêts du plus grand nombre, elle est inutile, voire néfaste. Pendant longtemps les économistes ont défendu l’idée de besoins infinis, mais en réalité, les besoins d’un individu et d’une collectivité ne sont pas si élevés.

En fait, l’invention du PIB date de la Grande dépression aux USA. L’économiste Simon Kuznets est chargé par le gouvernement américain d’inventer un tensiomètre de la santé de l’économie. Il invente le PNB qui permet d’évaluer l’efficacité des interventions publiques et d’organiser la hausse des productions d’armes pendant la 2nd guerre mondiale. En 1953, les Nations Unies publient les premières normes internationales de compatibilité, et font du PNB un indicateur mondial à l’exception de l’URSS. En 1990 c’est le PIB qui est utilisé. Il recense l’ensemble des productions sur un territoire donné, qq soit la nationalité des unités de production.

Le PIB est officiellement la somme des valeurs ajoutées brutes des unités de production économique. La croissance du PIB est donc l’augmentation du volume de ces valeurs ajoutées dans le temps.

La mesure du PIB dépend donc de ce qu’on fait rentrer dans la notion de « production économique ». En l’occurrence, la définition ne comprend que les activités commercialisables et monétisables plus qq activités non marchandes mais dont la valeur monétaire peut être facilement estimée.

Si on parlait de Produit Intérieur Net, PIN, on prendrait en compte la dépréciation du capital, donc la perte de valeur des biens liés à leur usure par ex. Si l’on élargit le concept de capital à la nature, et même à la santé et bien-être des travailleurs, la croissance du PIB peut être annulée par la dégradation des écosystèmes et des individus qu’elle a causée.

En 1934 Simon Kuznets met déjà en garde contre l’usage inconsidéré du PNB, car le bien –être d’une nation ne peut pas être déduit d’une mesure du revenu national. Et aussi « l’objectif d’augmenter la croissance devrait spécifier la nature et la finalité de la croissance »

Beaucoup d’éléments posent question dans l’usage du PIB ou PNB comme indicateur économique : l’activité des 20 millions de bénévoles français n’y est pas comptabilisée, le livre de T. Parrique en accès libre sur le net n’apporterait que très peu de points de croissance, tandis que sa vente en librairie en rapporte ; la valeur ajoutée des services publics ne se mesure que par les salaires, alors que la valeur ajoutée du secteur privé ne mesure par les salaires et les profits dégagés.

Le dernier rapport du GIEC précise que le PIB est établi sans déduire l’épuisement ni la dégradation des ressources naturelles, chasser une espèce menacée en vue de la valoriser dans un restaurant chic participe donc de la croissance du PIB.

On parle en fait de 2 types de croissance, l’une d’expansion, et l’autre d’intensification. La première, l’expansion, consiste en une transformation de services ou produits non marchands en leurs équivalents marchands, par exemple une crèche parentale autogérée VS un service de garde d’enfants privé. La croissance d’intensification passe par exemple par le renouvellement d’un tel mobile tous les 2 ans au lieu de tous les 10 ans.

Les économistes s’intéressent peu aux processus écosystémiques comme la pollinisation, la régulation du climat, le cycle de l’eau, etc… qui permettent pourtant à l’économie de prospérer, mais aussi aux êtres vivants de vivre. Mais à la raréfaction des ressources naturelles ne peuvent pas se substituer d’autres facteurs de production comme les outils, le travail ou la connaissance. Aucune machine ne peut remplacer le climat terrestre, la pollinisation par drones demanderait une taille quantité d’énergie et de métaux rares ne serait-ce que pour les produire.

Timothée Parrique évoque ensuite les moteurs de la croissance. En fonction du système économique, la sphère marchande sera plus ou moins importante. 3 moteurs principaux incitent à l’accumulation : l’entreprise (productivisme), les ménages (consumérisme), l’Etat (ce que Parrique appelle l’économisme)

·      Les entreprises veulent maximiser leurs bénéfices et pour cela vendent les plus possible au moindre coût

·      Les consommateurs, pour diverses raisons, souhaitent en général pouvoir acheter de plus en plus.

·      L’Etat, lui, favorise la marchandisation de sphères sociales, et privatise à tout va.

L’interdépendance de ces 3 moteurs permet d’expliquer la véritable généralisation de l’idéologie de la croissance, mais finalement, cette croyance ne daterait que des années 1950 selon l’historien Matthias Schmelzer, à ce moment-là, l’objectif des économies occidentales est devenue non pas seulement l’accumulation, mais l’accélération de cette accumulation.

Dans ce cadre, toute réflexion politique devient subordonnée à la volonté de marché : la lutte contre le réchauffement climatique ne se ferait donc que si elle devient rentable. Mais au-delà, cette tyrannie de l’argent transforme profondément les rapports sociaux car cette religion ne nous ferait agir que selon des intérêts financiers, indépendamment des bienfaits hors économie que nous pouvons retirer de nos activités humaines. D’un point de vue cynique, chaque heure passée à s’occuper de ses enfants, à militer, à s’informer, etc… représente un manque à gagner financier.

Il se trouve que cette idéologie est une anomalie dans l’histoire au cours de laquelle la vie humaine est une expérience de la finitude et des limites. Dans le monde du vivant, cette phase de croissance est toujours temporaire. Dans notre société de crise écologique actuelle, la croissance est un non-sens, pire un fléau.

 

II. « L’impossible découplage, les limites écologiques de la croissance »

Dans le 2° chapitre « les limites écologiques de la croissance », Parrique nous parle du découplage entre croissance et écologie : en clair, est-il possible de considérer que les problèmes environnementaux créés par la croissance aujourd’hui pourront être réglés à l’avenir, voire peut-on dès maintenant développer la croissance sans détruire l’écologie ? Il s’agit ici de parler de croissance verte. Le mythe de la croissance verte suppose qu’il y aurait de façon permanente et globale moyen d’augmenter l’empreinte économique tout en diminuant les pressions environnementales. Cela n’a jamais existé au cours de l’histoire, et Parrique, avec 6 collègues, a pu le confirmer en 2019 en reprenant plusieurs centaines d’études universitaires sur le sujet. En 2020, 16 autres chercheurs ont revu l’intégralité des parutions scientifiques sur le découplage qui sont globalement unanimes : il ne peut pas y avoir, dans une société de croissance, réduction conséquente de l’utilisation des ressources naturelles et des émissions de gaz à effet de serre.

Les partisans du découplage ne parlent que du carbone, ne comptabilisent pas les importations, le découplage quand il existe n’est que temporaire. Les pays, comme la France, qui se targuent de décarboner, et de diminuer leur empreinte matière, n’ont fait que délocaliser leur capacité de production et d’extraction.

De plus toute forme de découplage se fait souvent au prix de recouplage ailleurs : on abandonne les voitures thermiques pour passer à l’électrique qui réclame 6 fois plus de matériaux, on construit des panneaux solaires d’1 MW qui vont nécessiter 3000 tonnes d’eau, etc…

Parrique nous dit qu’il vaut mieux estimer l’empreinte écologique d’une économie en utilisant des indicateurs de consommation, ce qui permet d’inclure les produits consommés dans le pays mais fabriqués ailleurs.

Le découplage est aussi temporaire, par exemple l’Autriche, la Finlande et la Suède ont augmenté leur part de renouvelables entre 2005 et 2015, ce qui a alors réduit leurs émissions de CO2, mais ensuite l’augmentation de la demande en énergie, liée à la capacité de production, a induit une expansion des infrastructures énergétiques, et ont donc augmentés ensuite leurs émissions.

La croissance verte n’existe pas aujourd’hui, mais cela n’empêche pas certains, de suggérer qu’elle sera à l’avenir possible.

Cela ne l’est pas, d’abord parce que toute production réclame des ressources et de l’énergie. L’accès aux 2 devient de plus en plus complexe, les ressources se font rares, et les extraire coûte de plus en plus d’énergie. On parle de taux de retour énergétique ou EROI en anglais, le rapport entre la quantité d’énergie rendue disponible et l’énergie à dépenser pour l’extraire. Et ce taux est à la baisse, pour les énergies fossiles comme pour les renouvelables. Toutes énergies confondues, il est passé de 7 pour 1 à 6 pour 1 en 20 ans au niveau mondial.

Le constat est identique pour le taux de concentration de minerais dans les matières extraites. Pour le cuivre par exemple, il est passé de 4% à 1% en 1 siècle.

Rappelons que produire 1 KWh d’énergie renouvelable consomme 10 fois plus de métaux que pour 1 KWh d’énergie fossile.

De plus, le fameux effet rebond induit qu’une amélioration d’efficacité ou de productivité entraine un effet d’aubaine qui induit une augmentation de la consommation du produit ou service dont la production est optimisée. Dès le 19° siècle, l’amélioration des rendements des machines à vapeur se traduisait par une augmentation de la consommation de charbon. Le boom du gaz de schiste aux États-Unis à fait baisser les coûts de l’énergie et à inciter les entreprises à produire plus et elles ont donc émis plus de CO2. La liste d’exemple des effets rebonds est infinie : la 5G, la production des véhicules automobiles… Raison pour laquelle si on veut réduire l’empreinte totale, il est nécessaire de décroitre.

Le secteur des services n’est pas sans consommer des ressources et polluer. Ce secteur occupe 70% du PIB dans les pays développés, mais il s’appuie sur les secteurs primaires et secondaires fortement polluants. De plus, un secteur comme le numérique pourrait représenter la moitié de la consommation électrique mondiale en 2030. Selon l’agence internationale de l’énergie Visionner 1 heure de vidéo sur Netflix représenterait un trajet de 500 m en voiture en émission de CO2.

En ce qui concerne le recyclage, le découplage là aussi ne se fait pas : le taux de remplacement d’un téléphone portable augmente plus vite que le taux de recyclage. Le secteur du recyclage pèse 625 millions d’euros en France, quand le secteur de la publicité est de 15 milliards. En résumé, une économie ne peut pas être circulaire et en croissance.

En ce qui concerne l’innovation, certains disent qu’elle permettra, à l’avenir de résoudre les problèmes environnementaux actuels. Mais toutes les innovations, loin s’en faut, ne sont pas vertes. Quelles sont-elles ces innovations vertes ? Une étude de 2016 sur le secteur automobile a établi que le nombre de brevets polluants déposés entre 1978 et 2005 a toujours été supérieur au nombre de brevets verts. (2 fois plus en 2005). En pratique, les innovations dites « vertes » ne viennent pas remplacer les innovations polluantes, mais s’y ajouter, et les infrastructures de production d’énergie (central thermique, raffinerie, équipements de chauffage) ont une durée de vie longue de plusieurs décennies, et continueront donc à polluer avant qu’un autre modèle ne puisse s’y substituer. Il n’y a pas de transition énergétique, mais un empilement de mode de production. Une étude faite sur 35 pays de 1982 à 2016 montre que 1% de croissance des brevets sur les technologies environnementales est associée à seulement 0,005% de réduction de l’empreinte écologique. De même les rendements de l’innovation sont de plus en plus faibles : innover demande de plus en plus de temps et d’efforts.

Même le GIEC a fini par admettre en 2022 qu’il ne peut exister de croissance verte.

 

 

III. « Marché contre Société, les limites sociales de la croissance »

Dans le 3° chapitre, Parrique s’intéresse à la dépendance de l’économique à l’extra économique, derrière toute forme de production, derrière chaque produit se cache une infrastructure sociale dont le rôle est déterminant. Il adresse ainsi les questions liées à la « sphère de la reproduction », le « budget temps de l’économie », le « fantasme magique de l’innovation », le « gain de temps -ou pas- lié au progrès technique », la « corruption des marchandises », etc… Pour exemple du lien entre croissance et limites sociales, une boulangère ne peut produire du pain que si elle est reposée, en bonne santé et a eu une formation pour faire ce pain. Les facteurs de production, sont eux-mêmes issus de production sociale et écologique. Le périmètre de la marchandisation est un choix politique. En France, on ne peut pas vendre d’organes ni son sang, alors que cela peut-être le cas ailleurs. La marchandisation détruit le lien social, elle implique que chaque client en veut pour son argent. Alors qu’un service rendu permettra d’en attendre un autre en retour, et créera donc des liens de solidarité réels, car basés sur les besoins et la communication entre pairs. Comme le disait l’anthropologue anarchiste David Graeber, les relations non marchandes entretiennent la cohésion dans la société. La marchandisation génère des effets délétères dans le rapport au collectif : par exemple je me fiche de mon impact carbone car je compense mes émissions. Plus nous nous ancrons dans la marchandise, plus nous sommes obsédés par le potentiel financier de nos actes et des choses : si je suis payé au SMIC horaire, alors on peut estimer l’argent perdu à se brosser les dents, faire la queue au supermarché, etc… ce qui induit le développement des petits boulots pour faire vos courses, le ménage, etc… La croissance économique agit donc comme une force de dissolution sociale.

 

IV. « Fausses promesses, les limites politiques de la croissance »

Dans le chapitre 4, Parrique nous parle des limites politiques de la croissance. La croissance économique serait-elle un mal nécessaire par rapport à tous les bienfaits qu’elle amènerait, comme réduire la pauvreté, améliorer notre qualité de vie ou financer les budgets publics ? En réalité, on le constate, aucun de ces bienfaits n’est réel : Selon l’institut paragouvernemental INSEE, il y a environ 10 millions de personnes pauvres en France. Mais s’il y a des sans-logis, ce n’est pas par manque de logements, si les gens sont mal nourris, ça n’est pas par manque de nourriture, etc…

L’inventaire de nos besoins pour mettre fin à la pauvreté en France, permet d’estimer un budget de référence qui varie selon les configurations familiales et la localité entre 1424€ pour une personne seule et 3284€ pour un couple avec 2 enfants. Cela permet d’estimer le revenu national minimum nécessaire. En le comparant avec le PIB on peut estimer le surplus macro-économique de richesse. En France, au lendemain de la 2° Guerre Mondiale, il était nul, et de nos jours il est, à 900 milliards, soit 44% du revenu national. Tout le monde peut donc vivre selon ses besoins en France, mais les revenus, ça n’est pas un scoop, sont mal distribués. Pire, les inégalités augmentent avec le temps. Sur la dernière décennie, la pauvreté (à 60% du revenu médian) a augmenté malgré la croissance du PIB. Pour réduire les inégalités, selon Parrique, plusieurs solutions sont envisageables : mettre en place un Revenu minimum garanti sans conditions, augmenter les pensions minimums et le SMIC, la sécurité sociale de l’alimentation, investir dans les services publics pour diminuer les charges incompressibles sur les plus bas salaires, mettre en place les transports gratuits, augmenter les salaires des travailleurs pauvres, etc…

Les inégalités se matérialisent sous diverses formes, le salaire n’en étant qu’une partie. Les inégalités de revenus (tirés des loyers, intérêts, bénéfices, etc…) sont le double de celles des salaires, mais en terme de patrimoine, ces inégalités explosent, puisque les 10% de français les plus fortunés possèdent 336 fois ce que possède les 10% de français les moins fortunés. Parrique nous dit que la croissance du PIB ne profite qu’aux riches, car plus les riches s’enrichissent, plus ils peuvent placer leur argent dans des biens qui les enrichissent encore davantage. On pourrait réduire les inégalités sans croissance en redéfinissant le partage de la valeur ajoutée. Limiter les écarts entre les salaires est une piste, mais redistribuer le patrimoine serait bien plus efficace. Parrique parle de taxation des hauts revenus (retour de l’ISF), réformer la taxation de l’héritage pour supprimer les niches fiscales, encadrer la propriété foncière (aujourd’hui 24% des ménages possèdent 68% de tous les logements). Parrique écrit qu’il suffit donc de partager pour résoudre les inégalités.

Parrique adresse ensuite la question de l’emploi : est-ce que pour résoudre le problème du chômage il est nécessaire d’avoir de la croissance ? En réalité il y a au moins 3 manières de créer de l’emploi : produire plus, travailler plus lentement, et travailler moins longtemps. Pour en décider, les travailleurs devraient avoir leur mot à dire. Plus largement, a-t-on besoin de tous les emplois actuels, de marketeux, de vendeurs d’armes, de conseillers en communication et autres nuisibles ? La dépendance à l’emploi n’est pas une fatalité, dans une autre société où il y aurait contrôle démocratique des prix, distribution harmonisée de la valeur ajoutée, des services publics valorisés, et culture de la suffisance, le salaire de l’activité productive ne serait qu’une petite partie de notre richesse. Parrique évoque, page 137 une série de mesures réformistes comme autant de pistes de nature à remplir cet objectif.

Parrique évoque ensuite en quoi la croissance n’aide en rien à financer les budgets publics. D’abord la croissance génère des couts sociaux et environnementaux que la collectivité doit prendre en charge (pollution de l’air par exemple). Le secteur privé, en tant que tel, parce qu’il doit rémunérer des actionnaires, a des coûts plus élevés que ceux du public. (comparaison secteur de la santé par exemple.)

Parrique nous dit ensuite en quoi la croissance n’est pas nécessaire à l’amélioration du niveau de vie. En 1974 une étude de l’économiste américain Richard Esterlain montre une corrélation positive entre le niveau de vie et le bonheur ressenti, mais jusqu’à un certain niveau seulement. Cette corrélation diminue à un certain niveau. Le paradoxe d’Esterlin nous explique pourquoi les sociétés peuvent s’enrichir alors qu’elle n’augmente pas leur niveau de bien-être. D’autres études depuis considèrent des indicateurs objectifs comme la durée de vie, le niveau d’éducation, l’accès à l’énergie et la qualité de la démocratie. En 2021, pour 140 pays sont comparés les niveaux sociaux avec l’empreinte écologique. Le Costa-Rica, la France, les Etats-Unis, la Finlande ont une qualité de vie comparable avec des niveaux de vie variant de 1 à 5.

En ce qui concerne l’espérance de vie, le PIB cesse de l’influencer. Le Portugais vit en moyenne 2,4 années de plus que l’américain avec un PIB par habitant 65% plus faible. En réalité, c’est la réduction des inégalités qui permettrait d’augmenter l’espérance de vie, puisqu’en France, les 5% les plus riches vivent en moyenne 13 ans de plus que les 5% les plus pauvres.

Pour une économie de bien être, concentrons-nous sur la qualité de vie, le sens à ce que l’on fait, la convivialité, la croissance ne devrait être envisagée que pour les biens et services dont la société manquerait cruellement, donc de façon sélective et temporaire.

En dernière analyse, les partisans de la croissance, diront que les propositions de Parrique sont possibles en théorie mais infaisables politiquement, car les politiques ne le feront pas.

C’est là où l’anarchisme rentre en jeu J

 

V. « Petite histoire de la décroissance. De l’objection de croissance à la post-croissance »

Dans le 5° chapitre, Parrique nous fait un historique de la décroissance, aboutissement de concepts qui remontent au moins aux années 60. C’est André Gorz, cofondateur du nouvel Obs qui l’utilise la première fois à la suite de la lecture du rapport Meadows.  A l’époque, Gorz se réfère uniquement à la réduction de la production. Nicolas Georgescu, économiste, indique en 1971 que selon les règles de la thermodynamique, il ne peut y avoir de croissance matérielle infinie dans un monde fini.

Le rapport Meadows date lui de 1972. Ces 2 scientifiques du MIT simulent avec un modèle sur ordinateur 12 scénarii prospectifs qui étudiaient l’évolution de la production industrielle de nourriture, la croissance démographique, la raréfaction des ressources, et la pollution. La conclusion est sans appel : la croissance de la production et de la population finira par dépasser les limites de la planète. A noter que le modèle des Meadows a été depuis affiné et leur prospective confirmée par des relevés de données empiriques en 2008 et 2020. Bernard Charbonneau écrit en 1974 dans une revue protestante un texte « coûts de la croissance et gains de la décroissance ». En 1972, Simon Mansholt qui fut pour 6 mois président de la Commission Européenne, indique qu’il faut réduire la croissance économique pour y substituer la croissance des valeurs de bien-être.

Beaucoup d’autres noms seraient à citer, mais c’est surtout au début des années 2000 que le concept de décroissance émerge tel qu’on le connait aujourd’hui. Début 2002, le magazine Silence sort un numéro spécial « décroissance soutenable et conviviale », suivi de la publication par Hervé Kempf dans le Monde d’un article « sauver le monde par la décroissance soutenable ». Dans la revue Silences, Bruno Clémentin et Vincent Cheynet posent la décroissance soutenable en face du développement durable ; Dans ce même Numéro de Silences, Serge Latouche pose la décroissance comme une décolonisation de l’imaginaire de la croissance, en échappant à l’économisme. La décroissance devient une perspective qui abandonne l’utilitarisme du monde. En effet, cet utilitarisme passe par l’extractivisme de la nature, le productivisme maximisé, la marchandisation des relations sociales, et une obsession de l’accumulation de l’argent.

La décroissance des années 70 était une réduction, celle des années 2000 une émancipation contre l’économisme, l’extractivisme, l’utilitarisme, le capitalisme, le consumérisme et le techno-scientisme qui refuse les limites.

La décroissance soutenable devient alors la marotte de quelques universitaires et sujet de lutte et revendication de quelques militants, dont notre camarade anarchiste Jean-Pierre Tertrais, qui fait éditer en 2004 à la maison d’édition de la Fédération Anarchiste, les éditions du Monde Libertaire « Du développement à la décroissance, pour en finir avec l’impasse suicidaire du capitalisme », qui fut réédité en version longue en 2006. Pierre Rabhi du mouvement des colibris qui se présente à la présidentielle en 2002 en fera son cheval de bataille avant de l’abandonner pour la « sobriété heureuse ». Le journal « La Décroissance, le journal de la joie de vivre » de Vincent Cheynet est créé en 2004 et le concept de décroissance s’internationalise ensuite. En 2005, Paul Ariès écrit « décroissance ou barbarie » Après la décroissance soutenable de Cheynet et la décroissance conviviale de Latouche, Ariès parle lui de « décroissance équitable » qui lie écologie et lutte contre les inégalités. Ariès se focalise sur les stratégies politiques tandis que Latouche mise sur une transformation de la société civile. Ce n’est que dans les années 2010 que les scientifiques comment à s’intéresser au sujet de la décroissance et que le concept s’ouvre au grand public et devient un mouvement. Aujourd’hui il existe 600 articles académiques sur la décroissance, sur différents domaines de recherche : les origines historiques de l’idéologie de la croissance, les limites de la croissance verte, les implications économiques de la décroissance, l’étude de sociétés qui prospère sans croissance, l’étude de la technologie, la démocratie et les transitions. Depuis 2008 est organisé un cycle de conférences internationales, qui définit officiellement le terme « une transition volontaire vers une économie juste participative et écologiquement durable ». Mais en plus des conférences, des cours d’universités voient le jour, à Science Po ou HEC… Des mémoires et thèses sont éditées sur le sujet. Fin des années 2000, début des années 2010, 4 partis se réclament de la décroissance, Le Parti pour la décroissance (PPLD), le Mouvement des objecteurs de croissance (MOC), Parti des objecteurs de croissance (POC), Écologie, pacifisme et objection de croissance (EPOC) qu’on découvre dans la première thèse « militer à l’ombre des catastrophes » en France, 2017 de Luc Semal.

Mais aujourd’hui la décroissance est plus qu’un concept académique, c’est devenu un domaine d’action et de débats. Certains parlent d’objection de croissance, d’autres de post-croissance, et une minorité grandissante, les plus radicaux, de décroissance pure.

Parmi les premiers, le secrétaire des Nations Unis écrit sur Twitter en 2022 que le modèle de croissance infinie dans un monde aux ressources finies mènera à l’inflation, au chaos climatique et à des guerres. Des gouvernements britanniques ou espagnole et même une entreprise comme Bouygues déclare que le développement durable ne peut pas exister. En Allemagne, seuls 1% des experts de l’agence fédérale de l’environnement croient à la croissance verte. Le dernier rapport du GIEC enterre le mythe du découplage entre croissance et charge écologique

D’autres parlent de post-croissance, qui peut être utilisé pour critiquer les limites du PIB sans sortir du capitalisme, ou parlent d’économie alternative sans parler des transitions. Alors qu’en 2017, EELV sort une motion pour constituer une mission « société Post-Croissance » dans laquelle ils appellent à la « décroissance des excès » … => en 2022, il n’y a plus de mention ni de décroissance ni de post-croissance dans le programme présidentiel EELV. Seul l’objection de croissance a voix au chapitre…

A l’étranger le concept de décroissance est médiatiquement assez répandu et mieux traité que dans les médias français. En Irlande, le président déclare en 2020 que la décroissance est la seule stratégie soutenable pour la survie de la planète, alors qu’en France, Ruffin ou Hamon se disent agnostiques sur la décroissance et le gouvernement actuel se dit à fond opposé à la décroissance, tandis que EELV y est réticent depuis 2007 où Voynet gagne la primaire lors de laquelle elle soutient le développement durable. Et récemment Jadot et Rousseau déclarent se désintéresser de la question.

La société civile, elle semblerait plus à l’écoute du concept, puisque Parrique, depuis la publication de sa thèse a été invité plus de 200 fois pour en parler lors de conférences ou invitations médiatiques auprès de grandes entreprises, de formations supérieures d’ingénieurs ou de commerce, et des institutions gouvernementales autour de l’économie écologique. Le monde de la mode, de l’art et même le pape, reprenne le terme !

Parrique nous explique que la décroissance est donc un modèle de transition en vue de construire une société de post-croissance.

 

VI. « Un chemin de transition. Mettre l’économie en décroissance »

Dans le chapitre 6, Parrique nous explique que la Décroissance est effectivement un chemin de transition.

Rappelons la définition de la décroissance « réduire la production et la consommation pour alléger l’empreinte écologique de manière démocratiquement planifiée dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être ».

En effet, au-delà du mouvement, de pratiques diverses, d’un courant de pensée, d’une théorie critique et d’un sujet d’étude, c’est aussi une stratégie de transition, donc un phénomène complet. Il entend donc expliquer ce que serait une économie décroissante et comment la mettre en œuvre.

Il s’agit d’abord d‘une réduction de la production et de la consommation. La production se trouverait démarchandisée et des activités de production, de consommation et leurs impacts polluants cesseraient. Nous parlons ici des activités inutiles ou néfastes. En plus de ce rétrécissement aurait lieu un ralentissement de l’économie. Il y aurait à ce titre d’une part la frugalité, c’est-à-dire arrêter de faire certaines choses (prendre l’avion, acheter des USV, manger de la viande…) mais aussi de la sobriété qui est une forme de modération (partir en vacances moins loin, travailler moins, garder le même téléphone plus longtemps…)

Cette décroissance par le rétrécissement et le ralentissement aurait comme conséquence une baisse automatique du PIB.

Le choix des secteurs économiques à rediriger graduellement seraient décidés démocratiquement, et nos forces de travail utilisées à bien d’autres activités non marchandes bénéfiques à tous, par exemple moins de construction de parking, mais plus de rénovation de bâtiments et de réapparition de vélo. Moins d’agents immobiliers mais plus d’aides-soignants et de paysans.

Cette transition ne peut être engagée que par des politiques de décroissance volontariste. Alors que les politiques de croissance ont toujours été décidées de façon antidémocratique, la décroissance ne peut fonctionner que par un renforcement de la démocratie.

Pour réduire la quantité de production, il importe de réduire le temps de travail, travailler de façon moins intense et moins longtemps.

Si la publicité était interdite, cela bénéficierait à la fois à la réduction de ce secteur économique mais aussi à la réduction de la consommation des biens et services promus.

Parrique a identifié dans une revue plus de 380 mesures concrètes de croissance. Cela passe, par exemple, par l’abandon des grands projets inutiles et imposés,  les moratoires sur les forages marins, la taxation des patrimoines financiers en fonction de l’empreinte carbone, la criminalisation de l’obsolescence programmée, la fermeture de lignes aériennes, la généralisation des logiciels libres, la taxe sur les transports routiers, l’interdiction du trading haute fréquence, le démantèlement des banques, la non-lucrativité des secteurs comme l’éducation, la santé, le rationnement des énergies fossiles

La stratégie de la décroissance répond aux objectifs d’alléger l’empreinte écologique de manière démocratique dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être.

Dans la suite de ce chapitre, Parrique détaille chacun de ces items

-                      Alléger l’empreinte écologique : une économie n’est soutenable que si les ressources sur lesquelles elle s’appuie peuvent se régénérer et le milieu naturel supporter ses déchets. On parle de biocapacité d’un écosystème pour le mesurer. Une carotte pousse en 75 jours, un arbre en plusieurs décennies. La vitesse de la consommation-déchets ne doit pas dépasser la vitesse de régénération-assimilation. On le sait la capacité de charge de la planète est largement dépassée. La France dépassait en 2015 6 des 7 limites planétaires sur les émissions de gaz à effet de serre, l’usage de l’azote et du phosphate, l’empreinte matérielle, l’empreinte écologique et l’usage des sols. L’empreinte matérielle était de 22 tonnes par habitants, quand la limite soutenable est de 7 tonnes par Français. L’empreinte écologique d’un français est de 4,8 Ha globaux par personne soit le double de la biocapacité du pays et les émissions de gaz à effet de serre plus de 3 fois supérieurs au seuil pour contenir le réchauffement climatique. La décroissance est donc un régime appliqué à l’économie pour réduire son empreinte écologique. Ce régime doit être sélectif et cibler en priorité les biens et services à fort impact écologique. Par exemple, réduire l’usage de la voiture, le chauffage au gaz et au fioul, diminuer l’élevage, l’aviation, la construction et les activités militaires. Parrique examine ensuite les leviers utilisables pour arriver à cette décroissance. Il les classe en 3 grandes catégories, les leviers d’interdiction, de rationnement et de fiscalité. Les interdictions consisteraient à arrêter le transport aérien, ou la publicité. Pour rationner, Parrique évoque la mise en place d’une carte carbone. La fiscalité pour sa part augmenterait le prix des activités que l’on souhaite décourager comme les vols en avion et mettre en place les transports publics gratuits comme l’a fait le Luxembourg en 2020 et 60 villes de France.

-                      Planification démocratique. La décroissance doit être planifiée parce que le capitalisme nous dit Parrique n’est pas conçu pour décroitre et que ses agents économiques ne veulent pas entendre parler de la décroissance ; On ne peut pas imaginer une entreprise pétrolière renoncer à exploiter des ressources profitables. Une planification organisée pour la décroissance plutôt que pour la croissance comme c’est le cas aujourd’hui poserait problème aux grandes entreprises qui détiennent réellement le pouvoir et décident ce qu’il faut produire dans une optique de lucrativité. Parrique affirme que pour pouvoir mettre en œuvre une stratégie de la décroissance il faudra reprendre le contrôle des organisations qui aujourd’hui bloquent toute tentative de sobriété. Pour limiter le réchauffement climatique à +1,5° il faudra renoncer à exploiter au moins 60% des réserves de pétrole et de gaz et les 90 % de réserves de charbon restantes. Mais les actionnaires de ces grands groupes ne renonceront jamais à ces profits potentiels, ces entreprises font tout pour sauvegarder leurs marges et continuer à extraire (les 5 plus grandes entreprises fossiles du monde ont dépensé 250 millions d’euros en lobbying contre la régulation climatique auprès de l’Union européenne). Parrique dit qu’il faut nationaliser ces entreprises et prendre la décision à leur place. Il imagine un pôle public de l’énergie avec EDF, Engie, Total pour permettre la transition vers les énergies bas carbone. Il évoque aussi la formation d’un pôle stratégique du transport avec la SNCF les autoroutes, les aéroports, etc… Si les banques refusent de financer la transition écologique, il faudra aussi décider à leur place (les nationaliser), et suspendre les financements des projets d’extraction d’énergie fossile. Il évoque la même chose pour l’industrie pharmaceutique, les entreprises de télécoms, etc… Il indique que le contrôle hiérarchique par une minorité d’actionnaires n’est pas compatible avec l’objectif de transition écologique. Parrique estime que la nationalisation (page 205) est un rempart XXXXXXXXX démocratique alors que les 3 plus gros pollueurs de la planète sont des entreprises publiques, en Chine, Russie et Arabie Saoudite. Mais Parrique parle aussi de coopérativiser les entreprises, c a d de démocratiser leur fonctionnement. Parrique dit que pour se faire, les entreprises pourraient verser dans un grand fond de propriété inclusive géré collectivement par des représentants élus dans lequel les entreprises verseraient leurs nouvelles actions... XXX Ou sont les travailleurs dans ses choix XXX

-                      Dans un esprit de justice sociale : la décroissance doit être juste : Parrique parle de contraction pour les riches et de convergence pour les pauvres. Ce sont les plus gros consommateurs qui devront renoncer à leurs revenus et les entreprises les plus polluantes qui devront ralentir leur production et renoncer à leurs profits. Et donc les plus petits pays, et les plus faibles revenus qui bénéficieront du changement d’organisation économique. Les budgets écologiques et économiques seront donc planétairement redistribués. La décroissance des riches est la condition de la prospérité des pauvres ; Aujourd’hui partout sur la planète, la différence dans l’utilisation du budget carbone est surtout entre les classes sociales : selon un rapport récent de France Stratégie, institution autonome placée auprès de la Première ministre, qui publie des analyses et propositions sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux, les 50% de ménages les plus modestes devront réduire leur empreinte carbone de 4% tandis que les 10% les plus riches devront la réduire de 81%. Notons aussi que l’empreinte carbone selon OXFAM des 63 milliardaires français est égale à l’empreinte du patrimoine de la moitié des français. Il est donc urgent de les empêcher de nuire car il ne servirait à rien d’arrêter de manger de la viande s’ils continuent à voler en jet privé. Aujourd’hui 1% de la population mondiale a causé la moitié des émissions du secteur de l’aviation alors que 96% de la population n’a jamais pris l’avion, la décroissance dans l’aviation pourrait passer par un renchérissement de l’accès à l’avion d’affaires et touristiques et répartir des crédits avions auprès des autres. Parrique dit aussi qu’il faut réorienter les flux financiers vers les pays du sud.

-                      Dans le souci du bien-être. Parrique ne veut pas d’une décroissance qui soit une récession qui détériorait donc la qualité de vie du plus grand nombre. Parrique nous dit qu’il faut nous intéresser au mode de vie de ces pays comme le Costa Rica qui réussissent à découpler le PIB et les émissions carbone du taux de bien-être de la population.  3 tonnes de CO2 par costaricain contre 10 tonnes pour un français et 15 pour un américain en moyenne. Dans une étude comprenant 106 pays on apprend que la qualité des services publics, la redistribution des revenus et la démocratie sont des stratégies plus efficaces pour améliorer le bien-être et moins intense écologiquement. Parrique réévoque donc la mise en place de politiques publiques via la gratuité. Il propose également d’encadrer les prix des biens essentiels pour les rapprocher des coûts réels de production, par exemple dans le domaine de l’immobilier. Une garantie de l’emploi à travers la création d’un système de coopérative d’emploi à l’échelle de la commune permettrait en mode démocratie participative de planifier les activités professionnelles et les compétences, en fonction des besoins. Ces « communs du travail » permettrait de satisfaire les aspirations des travailleurs en donnant du sens à leur travail et en l’organisant démocratiquement pour ajuster l’activité économique. Parrique évoque également le mise en place de « Communs de la consommation » qui consisterait à évaluer la possession avec la question « est ce que cette chose vous rend réellement heureux ? » On pourrait réfléchir à mettre en commun différents objets ou services pour en partager l’usage (véhicules, machines à laver, boite à livre…) et on pourrait faire disparaitre les choses devenues inutiles (les hôtels, les voitures personnelles…) par le partage. En travaillant moins, on pourrait vivre mieux en s’adonnant à une vie associative et politique riche de sens et participerait donc à une grande croissance humaniste intellectuelle et politique.

 

En conclusion de ce chapitre, rappelons ce qu’est l’économie de la décroissance « réduire la production et la consommation pour alléger l’empreinte écologique de manière démocratiquement planifiée dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être »

Cette économie de la décroissance permettrait de redescendre en dessous de plafonds écologiques insoutenables en ayant une économie participative où on décide ce qu’on consomme et ce qu’on produit, moins d’inégalités, une meilleure qualité de vie qui permettrait d’absorber les chocs écologiques et géopolitiques. Ce que nous devons faire pour survivre est aussi ce que nous devrions faire pour être heureux.

Cette stratégie de transition doit nous préparer à une destination, celle d’une économie de la post-croissance.

 

VII. « Un projet de société, Vers une économie de post-croissance »

C’est le projet de société que pousse Parrique dans son chapitre 7 « Vers une économie de post-croissance »

Parrique souhaite dans ce chapitre clarifier la destination de ce processus de transformation, c’est-à-dire le système _économique dit-il_ qui remplacerait l’économie de croissance actuelle.

Cette phase de post-croissance est une « économie stationnaire en relation harmonieuse avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance ». Ce sont donc de principes de fonctionnement d’une économie pérenne.

Il s’agit donc d’atteindre une taille économique théorique qui garantit le bien-être et la justice sociale sans dépasser la capacité de charge des écosystèmes. Il s’agit donc de définir « de quoi avons-nous vraiment besoin pour être heureux » et « que pouvons-nous nous permettre de produire pour préserver l’habitabilité de notre planète »

XXX Parrique reste un économiste « dans une économie stationnaire post croissance, les gains de productivité sont utilisés non pour augmenter la production comme aujourd’hui mais pour réduire le temps de travail et rendre ses conditions plus agréables » On doit se libérer des obligations à produire plus et consommer plus. Ces injonctions viennent de 3 acteurs : les entreprises (quête de profit), les gouvernements (politique de croissance) et les consommateurs (+ de revenus). Une économie post croissance devrait se débarrasser des institutions qui encouragent le toujours plus, nous dit Parrique XXX

L’auteur dit que ce chantier est divisible en 4 gros projets :

-                      Repenser notre relation avec le vivant

-                      Transformer la façon dont nous produisons

-                      Harmoniser le partage des richesses

-                      Redéfinir la prospérité

 

Repenser la relation avec le vivant :

Pour Parrique une économie stationnaire ne peut produire plus que si elle parvient à améliorer la façon dont elle utilise son budget écologique ou si celui-ci augmente. La production pourrait donc varier en fonction de l’état des ressources naturelles et notre capacité à les utiliser. L’objectif de l’éco-innovation est de découpler le plus possible la production socialement utile des pressions environnementales, c’est-à-dire réduire la Co-dépendance énergétique de l’économie. Il faut que notre mode de production soit le plus circulaire possible sur l’usage des matériaux et renouvelable que possible sur les énergies. L’éco-innovation permet de remplacer une ancienne source d’énergie par une autre à moindre empreinte énergétique, ce qui libère un surplus énergétique éventuellement disponible pour la société. Quand un nouveau procédé de production permet de diminuer la matière utilisée, cela libère des matériaux disponibles pour une production ultérieure potentielle. Parrique dit que ces gains d’efficience pourraient permettre de travailler moins et de sanctuariser des écosystèmes.

Parrique nous dit que l’objectif central de l’économie de la post-croissance c’est une nouvelle relation avec le vivant. Plutôt que de parler d’écosystème avec le langage de l’ingénierie, si nous pensons aux écosystèmes comme des sociétés naturelles peuplées d’être vivants, cela permet de réfléchir à 2 fois avant d’entamer un processus productif consistant à détruire une forêt. Et si les économistes se posaient enfin la question « de quels humains la nature a-t-elle besoin ? » Qu’est-ce qui fait communauté ? Peut-on envisager une convivialité multi-espèces où la nature aurait des droits, où le vivant ne serait plus considéré exclusivement comme une ressource exploitable au-delà de nos besoins ? Le crime d’écocide n’est toujours pas inscrit dans le droit international…

 

Les décisions sont prises ensembles :

Une fois la phase de décroissance terminée, Parrique propose que la planification démocratique de l’économie continue : Si l’objectif d’une économie est de contenter, il faut constamment s’assurer qu’elle produise ce dont les gens ont besoin, et donc qu’ils puissent s’exprimer. Ici, Parrique invoque l’idéal de la démocratie économique du municipalisme libertaire de Murray Bookchin et le confédéralisme démocratique d’Ocalan. Il faudrait une démocratie directe, délibérative, et participative de proximité, liée à une démocratie représentative de plus hauts niveaux, la région, le pays, un groupe de pays. Et là, l’auteur évoque la notion d’échelle : localement, des tables de quartier comme à Montréal entre voisins depuis les années 60 ; au niveau de la commune, des budgets participatifs comme à Porto Alegre dans les années 80 ; dans les entreprises, des conseils de cogestion multipartites conviant les acteurs du territoire : travailleurs, usagers, collectivités territoriales, pour participer à décider sur les choix des produits, les technologies de production, les prix… A l’échelle d’un pays, des conventions citoyennes et des référendums d’initiative citoyenne ; A l’échelle internationale des assemblées transnationales comme l’ONU… L’auteur nous dit que la difficulté est d’identifier les besoins pas directement visibles ni mesurables et discuter des équilibres parfois contradictoires quand, par exemple, on fixe le prix des produits.

Il imagine une économie où les entreprises seraient obligées de définir une mission de production qui justifie aux yeux du public en quoi consiste son activité et en quoi elle est utile. Cette mission serait définie par une convention multipartites prenantes. Chaque entreprise serait dotée d’un comité de mission qui contrôlerait en interne que la mission est bien accomplie, et les entreprises seraient auditées en externe par des tribunaux d’existence comme c’est le cas pour les SCIC. Les entreprises à mission remplaceraient donc les entreprises à but lucratif. Les entreprises n’auraient plus la liberté d’entreprendre mais pour exister, une entreprise devrait avoir une mission et un plan concret pour l’atteindre qui corresponde aux besoins de la population. Il serait décidé ce que nous voulons produire et comment nous voulons produire. Parrique propose ensuite la mise en place d’indicateurs de prospérité. Plutôt qu’une comptabilité financière, il faudrait trouver un équilibre entre 3 objectifs : la soutenabilité en lien avec la charge écologique, la convivialité qui est le bien être des parties prenantes, et la productivité (l’efficience productive). Ces objectifs étant ordonnés ici du plus au moins important. Parrique met en avant les low-techs comme étant une philosophie de production désignant un ensemble de technologies utiles qui répondent à des besoins essentiels, accessibles car appropriable par le plus grand nombre, et durables car éco conçues, robustes, réparables, et recyclables. Pour Parrique une bonne manière de démocratiser l’économie serait de transformer toutes les entreprises privées en coopératives, de production, d’usagers d’achat, de crédit… Parrique voit ces entreprises comme des communs. Définissons ici ces communs : ce serait des institutions gouvernées par les parties prenantes liées à une chose commune ou partagée matérielle ou immatérielle au service d’un objet social, garantissant collectivement les capacités et les droits fondamentaux (accès, gestion, et décision) des parties à l’égard de la chose ainsi que leurs devoirs (préservation, ouverture et enrichissement) envers elle. Sur la question du financement : il faudrait que les entreprises puissent se financer auprès d’acteurs qui n’exigent pas de retours financiers toujours positifs... De nouveaux communs bancaires privilégieraient les projets créateurs de bien-être, etc… L’auteur évoque des fonds socialisés d’investissement, ou réseau de réciprocité financière dans lesquels une partie du surplus économique serait mutualisé dans un réseau de commissions d’investissements.

 

Où les richesses sont équitablement partagées

L’auteur indique que le partage doit être définit en amont de la production (c’est la pré distribution de l’héritage), pendant le processus de production, c’est la distribution de la valeur ajoutée, et après coup (la redistribution des richesses créées)

En amont donc, il faut un héritage minimum garanti. Selon Thomas Piketty, à 25 ans, chaque individu recevrait 60% du patrimoine moyen (soit 120.000 euros) financé par un impôt sur la propriété privée. Cette somme permettrait par exemple de mieux partager l’accès au logement.

Pendant le processus de production, il faut le partage de la valeur ajoutée. Invoquant Lordon, il indique qu’il faut en finir avec la propriété lucrative des moyens de production. Cela implique que la valeur ajoutée d’une entreprise est équitablement répartie entre les différentes parties prenantes internes et externes qui participent à la production via la délibération en AG. Selon le principe du salaire libre, chaque partie prenante décide de leur rémunération. Personne ne peut s’approprier les bénéfices réalisés par une entreprise. Ce qu’ajoute Parrique c’est que cette technique d’autodétermination pourrait s’appliquer à toute autre décision : horaires de travail congés, fixation des prix.

A l’issue du processus de production, il y a la redistribution des richesses créées. Ici Piketty est encore invoqué avec un système de taxation des revenus organisé en tranches d’imposition progressive en fonction du revenu moyen. Ce système distributif permettrait de financer un revenu minimum garanti fixé au seuil de pauvreté. Une partie de ce revenu de base pourrait être versé en monnaie alternative sur le modèle de la sécurité sociale de l’alimentation, et une autre partie en monnaie nationale…

 

Afin de pouvoir prospérer sans croissance :

Il s’agit ici de redéfinir la notion de prospérité. Une loi de 2015 impose en théorie au gouvernement de remettre au parlement un rapport annuel sur les nouveaux indicateurs de richesses. En pratique, cette loi n’a jamais vraiment été appliquée, et ces rapports n’ont été que de l’enfumage gouvernemental… La Nouvelle-Zélande a commencé en 2019 à tenir un tableau de bord avec 65 indicateurs économiques sociaux et environnementaux. Prospérer c’est d’abord se poser la question du bien-être, de quoi avons-nous besoin pour mener une vie heureuse. Il s’agit donc de se poser la question de l’être VS l’avoir. Parrique invoque les concepts de simplicité volontaire, sobriété conviviale, etc… Mais pour que cette sobriété heureuse soit possible il faut l’organiser collectivement, car la manière dont on organise l’accès aux biens et services détermine les choix de sobriété possible. Selon Parrique, la santé, l’éducation les transports, l’énergie, l’alimentation, le logement devraient tous être gérés démocratiquement dans la logique de la non lucrativité. Parrique évoque une économie débarrassée de la production lucrative et de ses rentiers, de prix encadrés qui oscillent autour des prix de production, une économie de gratuité partagées. Cela implique donc une économie rationnelle « moins de biens, plus de liens » Tout le monde serait riche sans que personne ne soit pauvre.

 

VIII. « Controverses, 12 critiques de la décroissance »

Au 8° chapitre, Parrique cite les critiques qui sont faites contre la décroissance. Parmi d’autres, Michel Rocard, ancien Premier Ministre, déclare que cette alternative mortifère nous mènerait tout droit à la guerre civile. D’autres plus nuancés considère que c’est un mot repoussoir qui est une limite à la diffusion des idées fortes qu’il défend. Et pourtant, Parrique indique qu’il a le mérite de résumer la cause du problème et d’identifier une solution concrète.

D’autres estiment que la décroissance serait forcément douloureuse, car il faudrait se passer de plaisir et de bien-être. Parrique répond qu’il faudra mener une cure de désintoxication matérialiste, qui sera sans doute un peu désagréable pour des consommateurs aliénés, mais retarder l’action climatique par peur de déprimer une poignée de super riches est indécent dans une société où la pauvreté subsiste, puisqu’on parle bien de partage des efforts et des bénéfices de la sobriété.

D’autres estiment que la décroissance serait inefficace. Et pourtant, au vu des problèmes environnementaux, la ressource la plus durable est celle que l’on n’a pas besoin d’utiliser, donc il faut commencer par arrêter de produire et de consommer le plus de choses possibles.

D’autres encore comme Bruno Le Maire, estime que la décroissance va amener plus de pauvreté. Encore une fois, la décroissance doit être sélective et cibler ceux qui contribue le pus au dépassement écologique. Les richesses sont là, elles sont justes mal partagées. En France, en 2021, 56% du revenu disponible national suffisait si redistribué équitablement, pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la population française et permettre à tous de participer à la vie sociale. Les français pourraient donc sans aucun changement d’infrastructure, décroitre de 44% sans générer de pauvreté. Les 10% des plus riches de la planète consomment autant que les 80% les plus pauvres…

La décroissance serait égoïste pour certains, car elle ne nous permettrait pas de mettre fin à la pauvreté des pays du sud. En réalité, il suffirait de redistribuer moins d’un tiers du revenu annuel des 1% les plus riches pour éradiquer la pauvreté en dessous du seuil de 7$ par jour. La croissance alimente au contraire un cercle vicieux de mondialisation malveillante.

La décroissance serait aussi austéritaire pour les travailleurs, le pensent certains intellectuels de gauche. En réalité, on sait fabriquer de l’argent, mais on ne sait pas allonger le temps et fabriquer des écosystèmes, on ne peut pas produire de la nourriture à partir de rien, mais on peut produire une alimentation saine et de qualité sans argent. La décroissance libèrera du temps pour développer les services publics et les communs, donc plus de moyens pour développer des secteurs qui contribuent au bien-être.

La décroissance serait éventuellement capitaliste, selon l’économiste Harribey qui lui reproche d’abandonner la critique marxiste du capitalisme au profit d’une cible abstraite, la croissance. Pour Lordon, les décroissanssistes qui ne parleraient pas de sortie du capitalisme sont des rigolos. Mais Parrique le rappelle, le capitalisme est basé sur l’accumulation de capital, et qui ne peut pas décroitre sans rentrer en crise. Parrique nous dit que l’éco-socialisme, c’est le socialisme sans l’extractivisme, le productivisme et le consumérisme, un socialisme sans croissance. La décroissance est la transition nécessaire pour les pays en dépassement écologique. Et la post-croissance ou éco socialisme, c’est le modèle économique et le projet de société qui permettra de faire prospérer une économie stationnaire dont le métabolisme biophysique aura été réduit. Parrique nous dit qu’aucune croissance économique n’est soutenable sur le long terme, que l’économie soit capitaliste, socialiste ou anarchiste. Parrique dit qu’il faut sortir du capitalisme, mais que cela ne suffira pas si une nouvelle organisation sociale retombe dans l’idée d’extraire de façon illimitée. La croissance n’est pas seulement le fruit du capitalisme, mais aussi le produit d’une métaphysique de l’illimitation qui recouvre l’impérialisme, le colonialisme, l’extractivisme, le productivisme, le matérialisme, le trans-humanisme, etc…Il évoque une métamorphose anthropologique, plus radicale que le simple anticapitalisme.

La décroissance serait anti-innovation, antiscience voire réactionnaire car promouvant les sociétés agraires traditionnelles. Parrique dit que les sujets étudiés aujourd’hui par l’innovation répondent à des impératifs de marché pour servir les plus riches : comment concevoir des algorithmes de trading à haute fréquence, comment récolter les données personnelles pour vendre de la publicité. Parrique répond que la décroissance ne va pas supprimer l’innovation mais en changer le contenu : plutôt que comment augmenter la rentabilité de mes bitcoins, comment réduire le gâchis alimentaire, comment protéger des espèces en voie d’extinction, etc… D’ailleurs, la décroissance est une stratégie innovante de transition.

La décroissance serait anti-entreprise selon d’autres. En réalité, Parrique nous dit qu’elle est antilucrativité et prône la réduction des grands groupes multinationaux, mais suggère une organisation de l’activité par des petites structures réparties sur les territoires et gérées de façon coopérative.

D’autres pensent aussi que la décroissance serait contre-nature car l’être humain veut avoir toujours plus. En réalité, si vouloir améliorer son sort est un désir sain, produire plus n’est pas toujours le meilleur moyen d’atteindre cette finalité. Les choses peuvent changer, l’être humain peut réapprendre la solidarité plutôt que la cupidité.

D’autres pensent encore que la décroissance serait inaudible ou inacceptable pour la majorité des travailleurs qui font face au chômage ou à la précarité. En réalité, 75% des Français dans un sondage de 2020 affirment être d’accord avec l’affirmation selon laquelle l’économie devrait prioriser la santé et le bien-être des gens et de la nature plutôt que de se concentrer sur les profits et l’accumulation de richesse. Un sondage du MEDEF en 2020 affirme que 67% des français sont favorables à la décroissance. Pendant le grand débat national, Parrique analyse les propositions en ligne et note que sur les 153.000 propositions, 540 utilisent le mot décroissance, devant « économie vert e », « croissance verte », « économie circulaire » ou « développement durable »

Enfin, d’autres estiment que la décroissance serait totalitaire. Mais en quoi le capitalisme serait-il démocratique ? En France, les 10% de ménages les plus riches possèdent la moitié de toutes les richesses. Ceux qui possèdent les moyens de production décident de quoi produire sans consulter personne. La planification de l’économie est faite par les riches pour défendre leurs intérêts. Et Parrique nous rappelle que la nature nous impose des limites qu’on ne peut plus dépasser sans conséquences irrémédiables, donc la liberté de produire et de consommer doit être subordonnée à cette obligation écologique. Mais nous restons libres d’utiliser les ressources en dessous de ces seuils comme nous le voulons et d’organiser la décroissance de la façon la plus démocratique possible.

Parrique nous dit que certaines questions méritent d’être discutées, comme le lien entre écologie et capitalisme, le rôle de l’Etat dans la transition, ou encore les liens de dépendance entre les pays du nord et du sud.

 

Dans son dernier chapitre de Conclusion, intitulé « Déserter le capitalisme », Parrique nous invite à passer à la radicalité, à savoir prendre le problème à la racine. La décroissance selon lui, l’est dans la mesure où elle identifie les violences du capitalisme. Même un rapport de l’ONU de 1996 résume la situation « la croissance est sans emploi, sans pitié, sans voix, sans racine et sans avenir ». Parrique invite à déserter le mythe de la croissance. Il nous dit que le capitalisme n’est pas la fin de l’histoire, même s’il marquera peut-être une fin de civilisation. L’économie est une construction sociale et il nous faut faire des pas de côté et reprendre le contrôle de notre avenir. Nous n’avons pas besoin d’économistes dociles qui agissent en gentil plombiers du capitalisme mais d’architectes d’économies alternatives dit-il. Pour lui le vrai défi du siècle est d’inventer un système économique qui assure le bien être pour tous dans les limites de la planète, qui est la phrase phare du rapport du GIEC de 2022. Certains ont commencés à chercher une autre économie : des villes ont redonnés goût au municipalisme écologique, la Nouvelle Zélande s’émancipe du PIB avec ses budgets bien-être et l’Equateur et la Bolivie font reconnaitre dans leur constitution la nature comme un sujet de droit. Moult concepts existent : économie participative, du bien commun, l’éco socialisme… Les idées ne manquent pas, et Parrique cite parmi elles l’économie de la low-tech et le municipalisme libertaire. L’auteur nous incite à penser et agir en utopistes et à accepter de voir s’effondrer des convictions du vieux monde. Bien sûr, transformer une économie ne sera pas une mince affaire, et les réponses au comment pourraient être un peu décevantes, mais tous les outils existent : réduction du temps de travail, revenu de base, garantie de l’emploi, comptes carbone, taxes sur transactions financières, interdiction de la publicité, rationnement de l’énergie, etc… La boite à outils ne demande qu’à être utilisée. Cela fait 50 ans que les Meadows ont développés leur modèle, et encore maintenant, une grande partie des économistes refusent d’admettre que la croissance économique à des limites biophysiques. C’est la raison pourra laquelle, puisque nous sommes l’économie, nous pouvons la transformer, nous en avons la légitimité et le pouvoir. Parrique veut que le capitalisme crève. Le mouvement des déserteurs peut nous montrer la voie, l’économie américaine ferait face à la « grande démission », les diplômés français renversent les tables, la main d’œuvre commencer à faire défaut. Déserter ce n’est pas abandonner la société dans son ensemble, mais seulement un capitalisme vide de sens et à bout de souffle.

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4° de couverture de la brochure parue il y a 20 ans aux éditions du Monde Libertaire :

https://www.decitre.fr/livres/du-developpement-a-la-decroissance-9782903013912.html

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La planète a longtemps été prodigue de ressources naturelles. L'être humain a atteint un impressionnant niveau de connaissances scientifiques et de réalisations techniques. Mais ce développement compromet maintenant l'avenir des générations futures. Le capitalisme est en train de programmer le désastre qui accablera nos petits-enfants. Alors que beaucoup ne soupçonnent encore ni la nature profonde ni l'ampleur du "développement", cette notion touche déjà à sa fin. C'est en effet sur ses ruines que certains envisagent de construire une " autre " société. La convergence entre les nombreux problèmes (économiques, sociaux, écologiques, culturels, politiques) qui se posent depuis plusieurs décennies a conduit à la naissance d'un courant de pensée qui privilégie la critique de cette notion de développement. Mais, aujourd'hui, de nombreux théoriciens de la " décroissance " abordent la question de la "sortie" du développement en passant sous silence la nécessité d'en finir avec le capitalisme. Pourtant, le capitalisme, voué à une croissance continue, est un mouvement historiquement suicidaire qui entraînera inexorablement l'ensemble de l'humanité dans sa chute. Pour survivre ou se développer, celui-ci ne peut échapper à la croissance. Cela implique qu'il est impossible de réguler ce système. Ce qui exclut d'emblée toute stratégie de décroissance réformiste. Cependant la seule élimination du capitalisme ne saurait suffire, car l'Etat peut très bien mettre en place une conception centralisée de la production d'énergies "propres", L'Etat, selon ses thuriféraires, est supposé être garant de " l'intérêt général ". Or, le système politique et économique actuel est à la fois autoritaire et inégalitaire. L'Etat défend donc en réalité les intérêts de ceux qui possèdent, et de ceux qui dirigent politiquement la société. Pour vivre libres, les individus socialement organisés devront donc également le faire disparaître. La dépendance qui nous lie à la nature est aussi fondamentale que le " contrat social ". La conscience révolutionnaire est donc nécessairement à la convergence de la conscience politique et de la conscience écologique. Il s'agit ici d'accomplir une double révolution. Si la perspective révolutionnaire paraît lointaine, il n'en reste pas moins qu'elle constitue la seule solution à l'impasse du capitalisme. En effet, seule une société égalitaire, où les individus décideraient collectivement de ce qu'ils souhaitent en faire, pourrait préserver les chances des générations futures de vivre décemment. Les politiciens et les hommes d'affaires n'ont que le pouvoir qu'on veut bien leur accorder.

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Critiques sur la pensée de Parrique.

Timothée Parrique nous donne l’impression d’être qq1 de très généreux avec des idées tout à fait sympathiques et sérieusement compatibles dans leur finalité avec la pensée et les pratiques libertaires. On pense aux modalités de décisions à la fois en phase décroissanssiste comme en post-croissance. On pense aussi à la mise en place de Communs dans lesquels producteurs et consommateurs prendraient part aux décisions selon les échelles géographiques respectives. On pense évidemment à la démonétisation du monde et à la volonté de remettre du lien entre les individus, en développant l’entraide, le don, le désintéressement. On pense à sa volonté de changer le travail et à sa finalité. Et on pense aussi à cette attention au vivant, dans le cadre d’une approche sensible du rapport à autrui… Souvent dans l’ouvrage, Parrique utilise le terme d’ « éco-socialisme » dont il se sent manifestement très proche.

 

Donnons qq clefs sur ce terme - Définition d'écosocialisme

Etymologie : L'écosocialisme est un néologisme construit par la juxtaposition de "écologie" et de "socialisme" pour désigner une doctrine politique associant à la fois les idéaux écologistes et socialistes.

L'écosocialisme part du constat que :

- l'écologie est incompatible avec le capitalisme qui est établi sur la recherche du profit et de la valeur d'échange des biens, au détriment de la valeur d'usage, impliquant un productivisme incapable de prendre en compte la préservation de l'environnement et les réalités humaines,

- la logique productiviste attachée jusqu'à présent au socialisme doit être abandonnée.

"L'écosocialisme est le mélange détonant entre un socialisme débarrassé de la logique productiviste et une écologie farouchement anticapitaliste. Loin d'un modèle abstrait, il propose une alternative concrète pour affronter la crise écologique qui menace l'humanité. En défendant l'intérêt général humain, il renouvelle la pensée républicaine en proposant aux peuples souverains de remettre le système productif et l'économie au service du progrès humain et des besoins réels." Manifeste pour l'écosocialisme - adopté par le Congrès du Parti de Gauche du 22 au 24 mars 2013 - lepartidegauche.fr

Parrique revendique clairement son anticapitalisme, qui est la cause des maux que traverse l’humanité et le vivant aujourd’hui. Si la finalité du projet semble très proche de celle de l’anarchisme, et si Parrique utilise dans sa boîte à outils idéologiques un certain nombre de références et d’outils conceptuels et pratiques de l’anarchisme, puisque le coopérativisme est cité, la question centrale reste le rôle de l’Etat dans la phase transitoire de rupture avec le capitalisme, que Parrique appelle décroissance. Et on nous a déjà fait le coup en Russie en 1917 !

Parrique est intéressant parcequ’il a la vision pragmatique de l’économiste de progrès, pour autant, son propos reste confiné au cadre politique actuel. Nulle part dans son livre, on ne sait comment les entreprises multinationales, qui sont seules décisionnaires sur la planète, seront contraintes si ce n’est par une puissance publique qui serait l’Etat.

Au niveau du contenu, il souhaite le maintien de la fiscalité. Ainsi, il évoque un système de taxation des revenus organisé en tranches d’imposition progressive en fonction du revenu moyen, ce qui implicitement indique qu’il y aura toujours inégalités de revenus ! Pire, son projet de société post-croissance inclut des mécanismes dans lesquels l’héritage existe encore, donc la petite propriété aussi. Pour la propriété privée des moyens de production il n’est pas précis, mais manifestement il souhaite juste interdire la propriété lucrative des moyens de production.

Evidemment, Parrique est un économiste et n’entend pas prétendre être un politicien. Pourtant son propos est évidemment d’ordre politique, et quand il parle, dans la phase transitionnelle de décroissance, de nationaliser les entreprises et de reconstituer de grands services publics, il appelle ainsi à renforcer le pouvoir économique de l’Etat, qui viendrait donc en concurrence avec celui des coopératives de producteurs et consommateurs.

D’ailleurs, il n’appelle pas à socialiser la production, ni même à mettre en place la gestion directe des moyens de production. Particulièrement significatif : pas une fois, le mot « syndicat » n’est cité, alors que les producteurs sont les plus à mêmes, et aussi les seuls légitimes à reprendre en main les rênes d’une économie.

On ne peut pas croire qu’une entreprise comme Total acceptera sans regimber que les ressources pétrolières et gazières disponibles restent dans le sous-sol. Aucun mot sur les moyens qui seront utilisés, et par qui, pour effectuer ce grand chambardement social que devrait logiquement être la décroissance. Et le seul moyen sérieux et cohérent, c’est évidemment la révolution pensée, organisée et menées par les exploités pour défendre leurs propres intérêts. A la lecture de Parrique on a le sentiment que son modèle de décroissance transitoire n’attend que les bons politiciens pour les mettre en place et, que sa proposition de modèle de société de post-croissance n’a besoin que d’un Etat écosocialiste qui prendrait en charge la planification de l’économie en intégrant le vivant dans l’équation.

A l’instar d’un Olivier Lefebvre dans sa lettre aux ingénieurs qui doute, Parrique voudrait nous laisser croire que de simples décisions ou propositions politiques extérieures au corps social permettrait de vaincre voire convaincre nos ennemis. En définitive, que les exploités, les travailleurs, choisissent de prendre leurs affaires en main devient secondaire, puisqu’une poignée d’experts décroissancistes auront décidé des meilleures méthodes de changement de paradigme économique, écologique et social. En ce sens, le propos de Parrique concernant les modalités de prises de décision vers le basculement vers un système de décroissance, ne cite que l’Etat comme moyen de coercition politique envers les grands groupes économiques qui dirigent la société. Pourtant, nous le savons, ce sont ceux qui auront le pouvoir de faire basculer la société qui définiront aussi ce qu’elle doit devenir : soit une N° Resucée du réformisme écolo-social soit une société autogestionnaire sans exploitation salariale.

On ne voit pas ou très peu dans son propos en quoi les travailleurs sont intégrés dans les processus de décision, ces décisions revenant plutôt à des collectifs extérieurs au monde du travail. On n’est alors pas loin de revoir de sortie la bonne vieille marmite électorale pour nous resservir la même soupe amère de l’écologie politique réformiste.

Personne ne veut d’un bain de sang, mais le projet écosocialiste est voué à l’échec sans une révolution menée par les travailleurs eux-mêmes et pour eux-mêmes, avec comme objectif clair la gestion directe des moyens de production dans un cadre économique stationnaire intégrant le vivant.

Cette vision stratégique, bien plus que des décisions politiques qui descendraient d’en haut, est à même de forger les outils de conceptions et de luttes pour bâtir une autre société dans le futur.




 

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